Eln2 - Tube à croix de Malte

Fonction

Mise en évidence de l’émission normalement à la cathode, de la propagation rectiligne des rayons cathodiques et de la fluorescence qu’ils provoquent.

Description

Un « tube de Crookes » en verre, dans lequel on a réduit la pression de l’air à une valeur de l’ordre de 10-2 à 10-3mm de mercure est muni de deux électrodes : une anode latérale (réunie au pôle positif d’un générateur de tension) et une cathode (pôle négatif) en forme de disque plat ou, mieux de calotte sphérique convexe. À l’intérieur du tube on a disposé un écran métallique en forme de croix de Malte qui, par simple basculement, peut passer d’une position éclipsée à une position dressée. La croix de Malte étant en position horizontale (éclipsée) on applique entre anode et cathode une tension de l’ordre de 10 000 volts. On utilisait pour cela la bobine de Ruhmkorff (voir Eld4-7).

On voit alors apparaître sur le fond du tube, face à la cathode une luminescence verte : c’est ainsi qu’on découvrit les rayons cathodiques. Lorsque la croix de Malte est placée verticalement on voit, sur le fond du tube, son « ombre » aux contours nets, homothétique de la croix. Cette expérience prouve que les rayons cathodiques se propagent en ligne droite et sont émis perpendiculairement à la surface de la cathode, de telle sorte que, si celle-ci est sphérique convexe, ils semblent provenir d’une source ponctuelle (d’où la netteté de l’ombre). La réalisation des tubes a montré que ces phénomènes ne dépendent pas de la position de l’anode.

Lorsqu’on approche un aimant du tube la fluorescence et l’ombre de la croix de Malte se déplacent : il y a action d’un champ magnétique sur les rayons cathodiques : voir ci-dessous.


Histoire

L’abbé Nollet (1700-1770) avait déjà observé la décharge électrique dans les gaz raréfiés mais la tension électrique (fournie par une machine électrostatique) et la raréfaction du gaz étaient insuffisantes pour observer les rayons cathodiques. Le mécanicien allemand Henri Geissler (1814-1879) ayant inventé une pompe à mercure en 1857, il fut possible au grand mathématicien Jules Plucker (1801-1868), qui s’intéressait aussi à la physique, d’observer la disparition de l’émission lumineuse par les gaz raréfiés, quand on réalisait un vide suffisant. Puis, en appliquant une tension suffisante par l’emploi d’une bobine de Ruhmkorff (voir Eld4-7), Plucker observa pour la première fois, en 1858 la fluorescence verte du verre.

Johann Hittorf (1824-1914), professeur à l’université de Munster (Allemagne), reprit ces expériences (1869) et montra que les rayons cathodiques semblaient émis par la cathode. C’est encore un allemand Eugène Goldstein (1850-1930) qui montre en 1876 que l’émission des rayons cathodiques se fait normalement à la cathode. Eugène Goldstein découvrit aussi, en 1886, les « rayons positifs » ou « rayons canaux ».

Sir William Crookes (1832-1919), un anglais cette fois, qui avait déjà découvert le Thallium en 1862 (indépendamment de Claude Auguste Lamy) et qui avait aussi inventé le radiomètre en 1873, reprit, en 1878, les expériences de Plucker et Hittorf. Il observa la fluorescence de pierres précieuses introduites dans le tube ; de même, il fit tourner un petit moulinet par l’action des rayons cathodiques ; il fit fondre un peu de platine en concentrant sur lui les rayons cathodiques émis par une cathode sphérique concave. Il supposa alors que les rayons cathodiques étaient des jets de molécules émis par la cathode et exposa ses résultats à la British Association en 1879.

L’allemand Philippe Lénard (1862-1947), élève de Heinrich Rudolf Hertz, montra que les rayons cathodiques étaient de nature ondulatoire. Il fit, d’autre part, en 1898, sortir les rayons cathodiques de l’ampoule par une fenêtre faite d’une mince feuille métallique, et il étudia leurs propriétés dans l’air. Il y eut donc controverse entre ceux (Crookes, Varley...) qui supposaient une nature corpusculaire et ceux (Goldstein, Hertz...) qui supposaient une nature ondulatoire.

Le français Jean Perrin (1870-1942) fit en 1895 une expérience décisive : il dévia par un aimant, les rayons cathodiques et les fit entrer dans un cylindre de Faraday relié à un électroscope : il prouva ainsi que les rayons cathodiques étaient constitués de particules négatives. Ces particules avaient été baptisées par avance (en 1891) « électrons » par l’Irlandais Johnstone Stoney (1826-1911). En 1897 Jean Perrin vérifia que ces particules négatives étaient bien repoussées par un corps chargé négativement et attirées par un corps chargé positivement.

Sir Joseph-John Thomson (1856-1940) avait déjà mesuré la vitesse des rayons cathodiques par une méthode de miroir tournant en 1894. Il avait trouvé 50 000 km/s. Cette vitesse, qui d’ailleurs dépend de la tension appliquée au tube, étant beaucoup plus faible que la vitesse de la lumière, était en défaveur de l’hypothèse ondulatoire. Joseph-John Thomson, à la suite des travaux de Jean Perrin déduisit de la déviation des rayons cathodiques due à l’action d’un champ électrique et d’un champ magnétique parallèles, la vitesse v et le rapport e/m de la charge à la masse des électrons (1897). Il supposa que la charge e était égale à celle d’un ion monovalent, mesurée par l’électrolyse et en déduisit m. Cette déviation par les champs électrique et magnétique fut réutilisée dans le spectrographe de masses par Francis Wiliam Aston (1877-1945), assistant de Joseph-John Thomson.

L’expérience de l’américain Robert Andrews Millikan (1868-1953) qui détermina en 1913 la charge de l’électron acheva l’établissement de la carte d’identité de l’électron. Il restait à « voir », à photographier la trajectoire d’un électron : ce fut fait en 1912 par l’anglais Charles Thomson Rees Wilson (1869-1959) avec sa « chambre à détente ». Tous les savants qui contribuèrent à la découverte de cette particule reçurent le prix Nobel.